Les fontaines

Tout comme les cités antiques ou de la Renaissance, Terrasson possède de nombreuses fontaines apaisantes et rafraîchissantes auprès desquelles on vient lire ou bavarder. Elles entretiennent un bien-être, dévoilant des histoires merveilleuses et agrémentant délicieusement des lieux magiques.

De tout temps, Terrasson eut ses lavoirs, abreuvoirs et fontaines pour répondre, avant tout, aux exigences de la vie domestique. Il n’était pas encore question d’exiger autre richesse que de pourvoir à l’essentiel. Dans la Genèse, il est dit qu’à la création de la terre et des cieux il n’y avait aucun arbuste, aucune herbe ne germait, car il n’y avait point d’eau. Il fallut planter un jardin en Eden, y installer l’homme afin qu’il y travaille et, un fleuve sortit de cet Eden, divisé en quatre bras, afin d’arroser ce jardin. Longtemps, la source était revêtue, à défaut d’explications rationnelles, de légendes et images poétiques. Il en fut, et il en est encore ainsi, dans cette ville où l’horizon est une communion ardente entre un être et une terre. C’est en 1989 que la ville renoue avec sa tradition des fontaines. Toutes les grandes villes, de Paris à Rome, ont leurs fontaines ; pourquoi n’en serait-il pas de même pour Terrasson ? Fontaine je vous aime ! Expression joyeuse d’une architecture du bonheur sublimée par le travail et le génie de l’homme. Une utopie de plus, aussi. Chimère pourtant réfléchie et ordonnée, comme jadis André Le Nôtre ou François Mansard tinrent leur gloire, à Versailles. Ici, sur les rives de la Vézère, c’est avec la même sensibilité faite de clarté, subtilité, rigueur et imagination, le souci de donner aux lieux une esthétique à la fois frivole et visionnaire, que fut lancé ce dessein de jalonner Terrasson d’un ensemble de fontaines. La renaissance de Terrasson ne pouvait se concevoir que dans une somptueuse profusion d’initiatives, toutes reliées par la passion des alliances mythiques de la nature à l’homme, de la géographie à l’histoire, du patrimoine hérité des anciens aux nécessités du monde moderne.

La fontaine du Pont Vieux.

La petite place qui, venant du Pont Vieux donne accès aux rues Margontier et Basse, et ainsi à la vieille cité de Saint Sour, sur la rive gauche de la Vézère, s’est embellie d’une première fontaine. Modeste élégance qui laisse au passant le soin d’habiller ses yeux, après avoir affronté l’avantageuse vue sur la falaise du Malpas, que procure la traversée de la rivière en ce passage millénaire. La fontaine regarde avec une romantique indolence l’antique rue Basse qui était, à l’origine, qu’un petit passage naturel entre la Vézère et la falaise. Tout proche, presque caché, un symbole de maréchal-ferrant rappelle que la rue possédait ses échoppes. Depuis quelques années, ce lieu reprend progressivement des couleurs et la vie s’y rétablit.

La fontaine du square.

De la rue Basse, remontant vers la place de Guingois, on découvrira un square, sur l’emplacement des maisons détruites durant la seconde guerre mondiale, et qui a presque religieusement conservé le plan au sol de celles-ci. On y a disposé une fontaine, à l’abri des murs et entourée d’une végétation bien entretenue. Fontaine du dix-huitième siècle, en pierre. Une sorte de bande d’arrêt d’urgence pour les poètes que leur temps écrase et qui recherche la solitude d’une mystique aussi mesurée que silencieuse.

La fontaine Bouquier.

Progressant dans l’enchevêtrement de rues, ruelles et placettes, nous arrivons sur la place du conventionnel Bouquier ; l’imposante église Saint Sour nous apparaît avec sa pierre claire récemment restaurée, presque enchâssée dans une abondance végétale ordonnée dans la grande tradition des jardins à la française, et qui illumine notre arrivée. Il fallait, en ce lieu presque envoûtant, qu’une fontaine nous cligne de l’œil. Pour le concepteur de ce ballet d’eau, d’arbres, plantes et fleurs, célébration du minéral aussi, la chose était entendue. La quête fut à la hauteur du lieu. De l’acquisition à la rénovation, au transport puis à l’installation, Pierre Delmon a initié puis accompagné toutes les étapes. Cette ardeur semble couronnée de bienfaits. Il s’agit d’une fontaine acquise dans une vente, à Paris, à la fin du siècle dernier. Elle représenterait la tête d’un satyre. Une créature mi-homme et mi- bouc, avec des cornes sur la tête, une chevelure abondante et un nez épaté. Tout comme les faunes avec lesquels ils sont souvent confondus, ils portent souvent des peaux de bêtes. Ce satyre, accompagné de deux têtes de bouc figurant sur le bassin, serait un silène, vieux précepteur de Dionysos.

La fontaine de l'abbaye.

Contournant sur notre droite l’église Saint Sour, après avoir gravis les escaliers qui y mènent, entre l’église et le presbytère, dominant la vallée située en contrebas, une place a été retenue pour accueillir, dès 2005, une fontaine italienne, avec ses deux vasques et un bassin en pierre. La vue panoramique est majestueuse. De là, on peut observer l’Ile de la Vergne, le Pont vieux et l’encorbellement de toitures d’ardoises qui s’agrippent à la falaise du Malpas.

La fontaine de la Marzelle.

Après avoir retrouvé la place du conventionnel Bouquier, puis descendu la rue de la halle et obliqué à gauche sur le rue de la Marzelle, nous atteindrons, cette fois, la place de la Marzelle. C’est sur cette dernière que se tenait, jadis, le marché aux truffes. Marzelle signifie aussi bien le puits que le bord, la rive d’un cours d’eau. Pour Pierre Delmon et sa municipalité, il était naturel de redonner vie à ce lieu, de lui restituer sa dimension de sociabilité. L’implantation d’une fontaine, dès le milieu des années quatre-vingt-dix répondait à la cascade de celles déjà installées ou en cours d’installation. Cette fontaine, en pierre, fixée sur un fût central carré, est dotée de quatre vasques à godrons et mascarons.

La fontaine du Bourriquet.

Sur la place éponyme, au-dessus de la place de la Marzelle, en reprenant la rue du même nom, la fontaine de bourriquet est, en fait, un abreuvoir où l’on amenait s’abreuver les petits ânes, de là son nom. Ce fut, encore, un lavoir, bassin public alimenté en eau détournée d’une source ou d’un cours d’eau, en général couvert, où les femmes du pays lavaient leur linge. Les langues, dit-on, y étaient aussi vives que les battoirs. Si l’on entend plus les lavandières chanter et papoter, le lieu a conservé toute sa mémoire, et le lavoir est un des éléments du patrimoine rural désormais préservé.

La fontaine de Guingois.

Nous sommes légèrement au-dessus de l’emplacement des sarcophages mérovingiens qui jouxtent la place du Foirail ou de Genouillac. Dans la vieille ville. Toute proche du jardin suspendu, cette fontaine est une des dernières installées. Tout autour, de petits jardins à la française ont été créés, sur le thème des cartes à jouer. On y voit le pique, le cœur, le carreau, le trèfle, hommage végétal à une pratique apparue en europe qu’au XIVe siècle. Tous ces jardins qui ornent la visite sont inspirés par les jardiniers du dix-septième et du dix-huitième siècle, en totale complémentarité d’ailleurs, avec les jardins de l’imaginaire, de conception rigoureusement moderne.

La fontaine Saint-Julien.

C’est, ici, sur cette place du Foirail, que des moines, au VIè siècle, bâtirent un xenodochium, établissement hospitalier. La chronique nous révèle qu’il existait déjà, au début de notre ère, une fontaine consacrée aux dieux par les païens. On attribuait à celle-ci les vertus de l’oracle. C’est Saint-Sour qui lui donna son nom actuel : fontaine de Saint-Julien. Celle-ci continuera à être vénérée et sera un lieu de prières, notamment pour les foires de la Saint-Sour, de la Saint-Julien et de la Saint-Martin.

La fontaine de Saint-Sour.

Entre la place du Foirail et les Jardins de l’Imaginaire, la fontaine dite de Saint-Sour, applique en pierre au bassin festonné à rebords en doucine, à savoir moulure convexe dans le bas, concave dans le haut, surmonté de deux faunes et une nymphe soutenant eux-mêmes la vasque, située sous la chute d’eau, le tout surmonté d’un fronton en chapeau de gendarme, est une invitation à la méditation précieuse à la rencontre du monde végétal, tout proche. Créature du Monde du Petit Peuple, le Faune nous rappelle la mythologie romaine dans sa conception champêtre ; la nymphe, attachée à la légende grecque, exhortant, quant à elle, à rejoindre le Jardins des Hespérides, verger fabuleux. Voisine des Jardins de l’Imaginaire, la fontaine proche du château Jeanne d’arc est exceptionnelle. Incomparable séduction de cette fontaine d’applique en pierre, avec son bassin festonné à rebord doucine surmonté de deux faunes et une nymphe, soutenant eux-mêmes la vasque. On appréciera les deux pilastres à rouleaux qui soutiennent une arcature en cintre surbaissé. Le tout est surmonté d’un fronton en chapeau de gendarmes. Bien qu’inspirée des riches heures du Grand Siècle, cette fontaine date du XIXe siècle. Mais, elle traduit remarquablement l’une des périodes les plus riches de l’histoire de ce pays, qui se déroule pour l’essentiel, pendant le règne de Louis XIV, et s’il est appelé ainsi c’est parce que pendant cette période le grand royaume de France domine ou, à défaut, marque durablement l’Europe, et même le monde, grâce à sa puissante armée mais aussi et surtout par son influence culturelle très importante : en effet, toutes les cours d’Europe en quête de rayonnement, qu’elles soient princières ou royales, prendront pour modèle la cour du « Roi Soleil » et ses attributs, comme la langue, l’art et la littérature française. Acquise aussi en 1992, cette gracieuse fontaine provient d’un hôtel particulier de Valenciennes, malheureusement partiellement détruit lors de bombardement durant la première guerre mondiale.

La fontaine de la place des martyrs.

Nous voici sur la rive droite, dans le quartier du Pas Bruzat, à l’urbanisme plus contemporain, hérité de la fin du dix-neuvième siècle. La place, avec ses maisons bourgeoises, son espace public, porte témoignage du formidable essor urbain qui a marqué Terrasson, au XIXe siècle.

La fontaine de l’île de la Vergne.

Légèrement en retrait, l’île de la Vergne, dont le nom indique un endroit marécageux où poussent des « vergnes », sorte de roseaux, des peupliers et des saules. Un espace, aussi, entouré d’eau, et relié par trois ponts. Aujourd’hui, ce lieu est un jardin ouvert au public qui est complété par une base de canoë installée sur la Vézère. En pierre marbrière d’Arudy, cette fontaine datée du dix-septième siècle, présente trois amours tenant respectivement une conque, un dauphin et un vase cernant un fût central hexagonal à six chapeaux ioniques ; le tout surmonté d’un vase Médicis et ceinturé d’un bassin en pierre de Bidache. Cette fontaine acquise par la Ville de Terrasson en 1992, provient du Domaine de Matignon à Boucau, près de Bayonne. Le château aurait été édifié par Gaston Le Notre, en 1688. Ce ne fut pas sans déplaire au maire de Terrasson qui voyait là un clin d’œil de l’histoire, à l’heure où il entreprenait la création des Jardins de l’Imaginaire. Désormais, ce Voyage amoureux dans le monde des fontaines achevé, en votre secret bonheur que le regard d’une fontaine ranime et exalte, portant au vent léger jets d’eaux et fine pluie de gouttes d’eau entamant leur voyage, rais de nos songes cristalins, dans l’éclat d’un bel arc en ciel, les yeux tout émerveillés et le cœur transparent, Terrasson, pour un instant, peut-être pour une vie, sera le doux écrin d’une promesse, d’une volupté, d’un sentiment de profonde éternité.

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